Prescrire un arrêt de travail
L’indemnisation des arrêts de travail par les organismes d’assurance maladie et les assureurs, par le biais des indemnités journalières et des indemnités complémentaires, repose sur la constatation médicale de l’incapacité de travail effectuée par le médecin traitant.
La prescription d’un arrêt de travail est tout d’abord un acte thérapeutique destiné à un patient dont l’état de santé le requiert. Il engage pleinement la responsabilité du médecin et doit être effectué dans le respect des règles déontologiques.
Les arrêts de travail
L’indemnisation des arrêts de travail par les organismes d’assurance maladie et les assureurs, par le biais des indemnités journalières et des indemnités complémentaires, repose sur la constatation médicale de l’incapacité de travail effectuée par le médecin traitant.
La prescription d’un arrêt de travail est tout d’abord un acte thérapeutique destiné à un patient dont l’état de santé le requiert. Il engage pleinement la responsabilité du médecin et doit être effectué dans le respect des règles déontologiques.
En 2002 les dépenses remboursées par l’assurance maladie au titre des indemnités journalières ont représenté 5 milliards d’euros soit 50 % du total des honoraires médicaux (toutes disciplines confondues) pris en charge par l’assurance maladie. Les arrêts de travail représentent également un coût économique pour les entreprises et on ne s’étonnera donc pas que les prescriptions des médecins fassent l’objet de contrôles aussi bien de la part de la sécurité sociale que des employeurs.
Dans un rapport commandé par le ministre de la santé à l’Inspection générale des finances et à l’inspection générale des affaires sociales, et rendu public en octobre 2003, il était mentionné que les dépenses d’indemnités journalières maladie avaient augmenté de près de moitié en cinq ans (plus 46 % de 1997 à 2002). Cette hausse s’est arrêtée en 2003 et le dernier rapport de la Cour des comptes (septembre 2005 pages 47 et 48) signale même un infléchissement des dépenses dont les causes restent à analyser (épidémiologie favorable, politique plus active du contrôle…)
Les développements qui suivent sont essentiellement consacrés aux arrêts pour maladie, les arrêts de travail liés à un accident de travail ou une maladie professionnelle faisant l’objet sur certains points d’une réglementation spécifique.
1 - La prescription de l’arrêt de travail
1.1 – Les formulaires à utiliser
Pour donner lieu à indemnisation l’avis d’arrêt de travail doit se faire au moyen d’un imprimé spécifique mis à la disposition des médecins par les organismes d’assurance maladie, téléchargeable sur le site de la CNAMTS
1.2. – Les fautes à ne pas commettre
La prescription ne peut être effectuée qu’après examen du patient et doit être datée du jour de cet examen.
On ne peut trop insister sur le caractère anti-déontologique de pratiques consistant à antidater des arrêts de travail ou encore à prescrire des arrêts de travail sur simple demande sans examen du patient.
Un certain nombre de décisions de la section disciplinaire et de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins ont condamné sévèrement ce type de pratique en application de l’article 28 du code de déontologie médicale (article 4127-28 du code de la santé publique) interdisant la délivrance de certificats de complaisance et de l’article 50 (article 4127-50 du code de la santé publique) disposant que le médecin doit, sans céder aux demandes abusives, faciliter l’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit.
On doit également rappeler que l’établissement d’un avis d’arrêt de travail faisant état de faits matériellement inexacts constitue un délit que les juridictions pénales peuvent sanctionner lourdement.
Il n’est d’ailleurs pas évident que le médecin établissant ce type de certificat rende service au patient et on doit à cet égard citer un arrêt qui n’est pas unique de la Cour de cassation, en date du 17 juillet 1996, justifiant le licenciement sans préavis d’un salarié pour faute grave aux motifs de la production d’un certificat de complaisance destiné à le soustraire à ses obligations contractuelles en trompant la confiance de l’employeur.
Il ressort de la jurisprudence qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, le début de l’incapacité de travail justifiant l’attribution des indemnités journalières ne peut être fixé à une date antérieure à sa constatation par le médecin traitant.
Ceci n’interdit pas à ce dernier d’indiquer au service du contrôle médical, dans l’intérêt du patient, la date à partir de laquelle il estime qu’il n’était plus en mesure de travailler.
1.3 - Les heures de sorties autorisées
L’article L 323-6 3° issu de la loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie subordonne le service des indemnités journalières au respect par les assurés sociaux des heures de sorties autorisées par le praticien qui ne peuvent excéder trois heures consécutives par jour.
Cette obligation pose deux séries de difficultés.
Tout d’abord il y a lieu de constater qu’elle est incompatible avec les formulaires d’avis d’arrêt de travail actuellement édités et qui prévoient, sur la base d’une réglementation plus ancienne (arrêté du 12 janvier 1980 modifiant le règlement intérieur des caisses primaires d’assurance maladie), que les heures de sorties doivent être comprises entre 10 heures et 12 heures le matin et entre 16 heures et 18 heures l’après-midi sauf justification médicale circonstanciée du médecin traitant et sous réserve de l’appréciation du contrôle médical.
De surcroît l’article L 326-3 précité fait difficulté au regard de la liberté de prescription du médecin.
La limitation des heures de sorties ne peut en aucun cas porter atteinte au principe fondamental de l’exercice de la médecine qu’est la liberté de prescription. Ce principe a été consacré par la loi (article L 162-2 du code de la sécurité sociale) « dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé ».
Les médecins doivent donc continuer à pouvoir autoriser des modalités de sorties différentes de celles prévues par la législation spéciale de l’article L 323-6 précité.
Cette faculté ne doit cependant pas avoir pour effet de soustraire la personne malade au contrôle de l’assurance maladie et celle-ci doit se rendre à une éventuelle convocation du contrôle médical ou être présente à son domicile après réception d’un avis de passage laissé par le service du contrôle médical.
La Caisse nationale de l’assurance maladie, elle-même consciente des difficultés d’application de la nouvelle législation, a fait savoir qu’un fractionnement ou un allongement de la durée de trois heures pouvait être exceptionnellement accepté sur justification médicale circonstanciée.
Il appartiendrait alors au praticien de préciser sur le volet n° 1 de l’avis d’arrêt de travail destiné au seul service médical, les motifs justifiant cet aménagement et de mentionner en clair sur les trois volets de l’avis les heures de sorties autorisées.
1.4 – Avis d’arrêt de travail et respect de la vie privée
Depuis le vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, les médecins sont tenus de mentionner sur les avis d’arrêt de travail donnant lieu à l’octroi des indemnités journalières les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption du travail (article L 162-4-1 du code de la sécurité sociale).
Ce point mérite des développements, compte tenu de la valeur constitutionnelle du droit au respect de la vie privée des personnes
Tout d’abord il ressort clairement des travaux préparatoires de la loi qu’il n’est pas demandé aux médecins d’indiquer un diagnostic mais seulement de préciser les éléments cliniques constatés justifiant l’incapacité temporaire de travail et permettant au service du contrôle médical d’être en mesure de mieux évaluer l’arrêt de travail. Les médecins doivent compléter cette rubrique avec précaution sans aller au-delà des constations médicales qu’ils ont pu faire ; ils doivent en particulier éviter de mettre en cause des tiers sur la foi des déclarations du patient.
Ensuite, ces éléments doivent être uniquement portés sur le volet de l’arrêt de travail destiné au service médical de l’assurance maladie.
Dans une décision du 21 décembre 1999 le Conseil Constitutionnel a précisé qu’il convenait de mettre en œuvre des modalités d’acheminement de ces documents au médecin conseil de nature à assurer la stricte confidentialité de la transmission des informations qu’ils contiennent.
Une difficulté est très vite apparue vis-à-vis des agents publics.
En effet, ceux-ci adressaient jusqu’alors à leur administration le volet destiné au service médical en même temps que le volet destiné à l’employeur.
Compte tenu des termes de la loi et de l’interprétation qu’a donné le Conseil Constitutionnel les agents publics n’ont pas à adresser le volet médical à leur administration et le Conseil national de l’Ordre des médecins a, dès la publication de la loi, attiré l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité où ils se trouvaient d’en informer les agents et de mettre en place des modalités d’acheminement du volet médical à un service médical dans des conditions respectant la stricte confidentialité de ce document.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a dû saisir en référé le tribunal administratif de Besançon à la suite d’une circulaire du rectorat demandant aux fonctionnaires de l’éducation nationale d’adresser le volet destiné au service médical au service du personnel. Le tribunal administratif a bien entendu donné raison au Conseil national de l'Ordre des médecins.
Le Ministre de la fonction publique en réponse aux inquiétudes manifestées par le Conseil national de l'Ordre des médecins a adressé à l’ensemble des services de l’Etat (ministères, préfectures…) une circulaire précisant que le volet médical de l’arrêt de travail ne doit pas être adressé par les agents à l’administration. Il est en outre indiqué que ce volet conservé par l’agent devra être remis à toute requête du médecin agréé de l’administration notamment en cas de contre-visite. Cette solution doit être étendue à l’ensemble des agents publics.
1.5. La prolongation d’avis d’arrêt de travail
L’article L 162-4-4 du code de la sécurité sociale prévoit qu’en cas de prolongation d’un arrêt de travail, l’indemnisation n’est maintenue que si la prolongation de l’arrêt est prescrite par le médecin prescripteur de l’arrêt initial ou par le médecin traitant, sauf impossibilité dûment justifiée par l’assuré et à l’exception des cas définis par décret.
Ces cas ont été définis par un décret du 23 décembre 2004 codifié dans le code de la sécurité sociale sous l’article R 162-1-9-1. Il est ainsi prévu trois hypothèses :
- lorsque la prolongation d’arrêt de travail est prescrite par un médecin spécialiste consulté à la demande du médecin traitant ;
- lorsque la prolongation d’arrêt de travail est prescrite par le médecin remplaçant le médecin prescripteur de l’arrêt initial ou le médecin remplaçant le médecin traitant ;
- lorsque la prolongation d’un arrêt de travail est prescrite à l’occasion d’une hospitalisation.
En dehors de ces hypothèses l’assuré devra justifier par tous moyens, à la demande de l’organisme d’assurance maladie, qu’il a été dans l’impossibilité de se faire délivrer la prolongation d’arrêt de travail par le médecin prescripteur de l’arrêt initial ou son médecin traitant.
Dans tous les cas, l’avis d’arrêt de travail devra indiquer le motif pour lequel le médecin prescripteur de la prolongation n’est pas le médecin prescripteur de l’arrêt initial ou le médecin traitant.
Cette justification ne devrait figurer que sur l’avis destiné au contrôle médical.
2 - Le contrôle des arrêts de travail
Les chiffres les plus variés sont régulièrement communiqués en matière d’arrêts non médicalement justifiés : si la CNAMTS évoque un chiffre de 6 %, les sociétés spécialisées dans le contrôle médical patronal font valoir des chiffres pouvant aller jusqu’à 50 %…
Trois types de contrôle peuvent être mis en œuvre.
- le contrôle effectué par les médecins conseils de l’assurance maladie pour les salariés de droit privé ;
- le contrôle des médecins agréés pour les agents de droit public ;
- le contrôle des médecins contrôleurs mandatés par les employeurs tenus de verser, en application d’accords conventionnels étendus par la loi, des indemnités complémentaires à l’occasion d’arrêts de travail.
Ces trois catégories de médecins sont tenues aux mêmes règles déontologiques, exposées aux articles 100 et suivants du code de déontologie médicale consacrés à la médecine de contrôle.
2.1. – Le cadre déontologique
2.1.1 – Les incompatibilités
Les médecins contrôleurs ne peuvent cumuler cette activité avec celle de médecin de prévention ou sauf urgence du médecin traitant d’une même personne.
L’interdiction du cumul des fonctions trouve son fondement dans l’indépendance professionnelle que les médecins ne peuvent aliéner mais aussi dans la nécessaire confiance qui doit s’instaurer entre le médecin traitant ou le médecin de prévention et la personne qu’il prend en charge.
On doit constater que cette interdiction n’est pas toujours respectée et certaines administrations de l’Etat ou encore certaines collectivités territoriales demandent à des médecins de prévention d’effectuer le contrôle des arrêts de travail.
Il appartient au conseil départemental si un tel cumul figure dans le contrat qui lui est adressé d’alerter sur ce point et le médecin et l’administration co-contractante.
2.1.2- Les limites de l’activité de contrôle
Aux termes de l’article 101 du code de déontologie médicale (article R 4127-101 du code de la santé publique)
"Lorsqu'il est investi de sa mission, le médecin de contrôle doit se récuser s'il estime que les questions qui lui sont posées sont étrangères à la technique proprement médicale, à ses connaissances, à ses possibilités ou qu'elles l'exposeraient à contrevenir aux dispositions du présent code "
Cet article doit être médité par tous les médecins contrôleurs, quel que soit leur statut, car il n'apparaît pas certain que face à certaines situations ou à certaines pathologies, le médecin contrôleur soit toujours bien compétent pour contester l'arrêt de travail délivré par le médecin traitant
Cet article a également le mérite de rappeler que le médecin contrôleur exerce une activité médicale soumise aux mêmes contraintes que toute autre activité.
On peut y voir le pendant pour la médecine de contrôle de l'article 70 du code de déontologie médicale interdisant à un médecin d'entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose.
Il convient ici de se pencher une réflexion sur le rôle exact du médecin contrôleur des arrêts de travail.
Le médecin contrôleur a-t-il à vérifier les heures de sorties autorisées et à indiquer que le salarié est absent de son domicile ?
Il semble que beaucoup de sociétés spécialisées dans le contrôle médical se fassent une telle idée des fonctions du médecin contrôleur.
Or, un tel rôle n'a aucun caractère médical même si des conventions collectives ont pu le mentionner, et sort de la compétence du médecin. Il incombe aux agents visiteurs de la sécurité sociale voire à des huissiers de justice, d'y procéder.
Afin de ne pas contrevenir à la déontologie médicale, le médecin doit uniquement indiquer les circonstances qui ont rendu impossible l'examen de l'assuré et la vérification de la justification de l'arrêt de travail ; s'il n'a pu pénétrer au domicile, il ne peut pour autant certifier l'absence de la personne qu'il devait contrôler. Il appartiendra à l’organisme qui a décidé le contrôle d’en tirer les conséquences.
Le médecin contrôleur peut-il vérifier la justification de l'arrêt de travail ?
Oui, c'est l'essentiel de sa mission. Le cas échéant, il peut demander au patient à consulter les éléments médicaux se rattachant à l'arrêt de travail, en lui précisant bien que cette communication est facultative.
Le médecin contrôleur face à l'appréciation de la durée de l'arrêt de travail
Le médecin contrôleur peut-il décider que l'arrêt de travail justifié au jour de l'examen ne le serait pas à compter d'une date ultérieure comprise ou non à l'intérieur de la période prescrite par le médecin traitant.
Une telle prédiction apparaît contraire aux termes mêmes de l'article 101 du code de déontologie médicale.
On peut en outre relever les termes d'un récent arrêt de la Cour de Cassation en date du 28 janvier 1998, jugeant que l'avis du médecin contrôleur n'est valable qu'à la date où il est émis et ne peut disposer pour l'avenir.
Sur tous ces points, il apparaît que les missions confiées par les sociétés spécialisées aux médecins contrôleurs vont souvent au-delà des limites fixées par la déontologie et la jurisprudence.
2.1.3 – Les relations avec la personne contrôlée
Aux termes de l’article 102 du code de déontologie médicale (article R 4127-102 du code de la santé publique)
"Le médecin de contrôle doit informer la personne qu'il va examiner de sa mission et du cadre juridique où elle s'exerce et s'y limiter.
"Il doit être circonspect dans ses propos et s'interdire toute révélation ou commentaire.
"Il doit être parfaitement objectif dans ses conclusions".
Il apparaît que cet article n'est pas toujours respecté et la Cour de Cassation a dû rappeler que le contrôle médical patronal n'était pas valable, faute pour le médecin d'avoir décliné sa qualité de docteur en médecine et de mandataire de l'employeur (Cour de Cassation, Chambre sociale du 11 décembre 1986).
La Section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins a été amenée à condamner un médecin contrôleur en raison de contrôles brutaux, sommaires et péremptoires.
Le médecin contrôleur devra rappeler au patient les dispositions légales autorisant le contrôle, l'identité du demandeur et la portée du contrôle (par exemple, le contrôle effectué pour le compte de l'employeur a pour seul effet d'interrompre le versement des indemnités complémentaires versées par l'employeur, mais n'a pour objet ni de faire cesser les indemnités journalières de sécurité sociale, ni d'obliger le patient à reprendre le travail).
Ne peut-on pas, enfin, se demander si le fait de se présenter sans prévenir au domicile d'un patient correspond bien à l'image que doit donner un médecin. Bien que la Cour de Cassation n'ait pas émis de réserve à la visite inopinée du médecin contrôleur, il apparaît souhaitable, d'un point de vue déontologique, que le médecin contrôleur prévienne la personne contrôlée et fixe avec elle la date et l'heure du contrôle.
2.1.4 – Les relations avec le médecin prescripteur de l’arrêt de travail
Aux termes de l’article 103 du code de déontologie médicale (article R 4127-103 du code de la santé publique)
«Sauf dispositions contraires prévues par la loi, le médecin chargé du contrôle ne doit pas s'immiscer dans le traitement ni le modifier.
Si, à l'occasion d'un examen, il se trouve en désaccord avec le médecin traitant sur le diagnostic, le pronostic ou s'il lui apparaît qu'un élément important et utile à la conduite du traitement semble avoir échappé à son confrère, il doit le lui signaler personnellement. En cas de difficultés à ce sujet, il peut en faire part au conseil départemental de l'Ordre ".
Cet article n'est pas toujours respecté et entretient un contentieux non négligeable notamment entre les médecins traitants et les médecins contrôleurs patronaux.
Il convient de s'interroger, ici, sur les modalités de communication entre médecins contrôleurs ou médecins conseils de l’assurance maladie et médecins traitants.
En particulier, si le médecin contrôleur se propose de signifier à la personne qui l'a mandaté des conclusions contraires à la prescription du médecin traitant, il apparaît conforme à la déontologie médicale qu'il contacte au préalable le médecin traitant. Un tel contact peut d'ailleurs lui permettre de mieux apprécier la situation médicale de la personne contrôlée.
En tout état de cause, il faut bien comprendre que le contrôle exercé pour le compte de l’employeur ne crée pas une hiérarchie entre la prescription du médecin traitant et l’avis du médecin contrôleur, mais a simplement pour objet, si le médecin contrôleur conclut à la reprise, d’entraîner la suspension du droit aux indemnités complémentaires que l’employeur est tenu, en application d’un accord collectif, de verser au salarié.
Il ressort de la jurisprudence, qu’en aucun cas le salarié ne commet une faute en respectant la prescription initiale du médecin traitant, et en ne reprenant pas le travail à la suite de la visite du médecin contrôleur.
Ce contrôle ne se substitue en aucune manière à la prescription du médecin traitant et la jurisprudence a indiqué, à plusieurs reprises, que postérieurement au contrôle médical de l’arrêt de travail, une prolongation d’arrêt de travail prescrite à un salarié par son médecin traitant, rétablit celui-ci dans son droit aux indemnités complémentaires de maladie. Il incombe dans ces circonstances à l’employeur, s’il conteste cette nouvelle prescription, de procéder à un nouveau contrôle médical.
Comme on peut le constater, le contrôle médical, en particulier patronal, est un exercice délicat, et il est hautement souhaitable qu’il soit confié à des médecins bénéficiant d’une expérience certaine de la profession médicale.
2.1.5 – Le respect du secret médical
Aux termes de l’article 104 du code de déontologie médicale (article R 4127-104 du code de la santé publique)
« Le médecin chargé du contrôle est tenu au secret envers l'administration ou l'organisme qui fait appel à ses services. Il ne peut et ne doit lui fournir que ses conclusions sur le plan administratif, sans indiquer les raisons d'ordre médical qui les motivent.
" Les renseignements médicaux nominatifs ou indirectement nominatifs contenus dans les dossiers établis par ce médecin ne peuvent être communiqués ni aux personnes étrangères au service médical ni à un autre organisme ".
Cet article revêt une importance particulière compte tenu des pressions qui peuvent être exercées sur le médecin mandaté par l'employeur pour effectuer son contrôle, ou encore en raison des demandes qui pourraient venir des organes administratifs des caisses d'assurance maladie
On peut, à ce sujet, noter que le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée du 21 décembre 1999, n'a admis la possibilité pour le médecin-conseil de la sécurité sociale d'avoir connaissance des éléments médicaux de l'arrêt de travail qu'après avoir rappelé qu'en application de l'article 104 du code de déontologie médicale, ces médecins étaient tenus de respecter la plus stricte confidentialité, y compris envers les organismes qui font appel à leurs services.
On notera aussi que l'obligation déontologique se double, ici, d'une interdiction pénale de violer le secret professionnel. C'est ainsi qu'un médecin a été récemment condamné par un tribunal correctionnel pour avoir fait connaître à l'employeur qui l'avait mandaté les affections dont souffraient les personnes contrôlées et les traitements suivis.
2.2 Le cadre juridique du contrôle des médecins prescripteurs effectué par l’assurance maladie
2.2.1 Le contrôle quantitatif
Il peut s’agir d’un contrôle a priori ou d’un contrôle a posteriori.
L’article L 162-1-15 du code de la sécurité sociale permet ainsi au directeur de l’organisme local d’assurance maladie de subordonner à l’accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée ne pouvant excéder 6 mois, le versement des indemnités journalières lorsque le nombre ou la durée des arrêts de travail prescrits par le médecin sont significativement supérieurs aux données moyennes constatées dans la même région pour les médecins à activité comparable.
Le médecin qui dispose d’un mois pour présenter ses observations au directeur de la caisse, est entendu à sa demande par la commission paritaire prévu à l’article R 147-4 du code de la sécurité sociale (attention cette commission chargée, par ailleurs, de donner un avis sur les pénalités financières susceptibles d’être prononcées contre les médecins est sans rapport avec la commission paritaire locale prévue par la convention nationale des médecins libéraux).
A posteriori, la loi a également prévu (article L 315-1, II du code de la sécurité sociale) que lorsque l’activité de prescription de l’arrêt de travail apparaissait anormalement élevée au regard de la pratique constatée dans la profession, des contrôles systématiques seraient mis en œuvre.
2.2.2 Les sanctions financières
La loi d’assurance maladie précitée du 13 août 2004 a prévu que les médecins pouvaient se voir infliger une pénalité financière dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (ou quatre fois en cas de récidive) pour des inobservations au code de la sécurité sociale dont la liste est fixée par décret.
Pour ce qui concerne les indemnités journalières, le décret 2005-1016 du 23 août 2005 a défini les procédures pouvant conduire les organismes d’assurance maladie à infliger des pénalités financières et a prévu, au nombre des règles dont le non-respect pouvait conduire à ces pénalités, l’obligation de mentionner sur les documents destinés au service du contrôle médical les éléments d’ordre médical justifiant les arrêts de travail.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins est intervenu dans la rédaction de ce décret pour renforcer les droits de la défense.
2.2.3 Communication d‘informations sur les conclusions de contrôle.
Le code de la sécurité sociale (article L 315-1 II) prévoit que lorsqu’un contrôle effectué par un médecin à la demande de l’employeur conclut à l’absence de justification d‘un arrêt de travail, ce médecin transmet son avis au service du contrôle médical de la caisse.
Si ce service conclut également au vu de cet avis à l’absence de justification de l’arrêt de travail, la caisse suspend le versement des indemnités journalières après en avoir informé l’assuré.
Cette disposition appelle trois commentaires :
Tout d’abord il n’appartient ni à l’employeur du salarié contrôlé, ni à l’entreprise qui recourt aux services d’un médecin contrôle de transmettre l’avis de ce dernier au service du contrôle médical.
Ensuite, cet avis ne saurait en aucun cas lier le service du contrôle médical de l’assurance maladie à qui il incombe d’entreprendre les démarches afin de s’assurer de la justification médicale de l’arrêt de travail.
Enfin, l’avis transmis comporte uniquement la mention de l’absence de justification médicale de l’arrêt de travail sans que le médecin ait à faire part de ses constatations médicales.
En sens inverse, on notera que l’article L 315-2 du code de la sécurité sociale prévoit une information de l’employeur par la caisse lorsqu’elle celle-ci suspend le service des indemnités journalières au motif qu’elles ne sont pas médicalement justifiées.
Ces développements relatifs au contrôle effectué auprès des médecins prescripteurs ne doivent pas faire oublier que les assurés sociaux sont eux-mêmes assujettis à ces contrôles qui conditionnent le versement des indemnités journalières, que ces indemnités journalières peuvent être suspendues si le service du contrôle médical de l’assurance maladie les estime injustifiés et que l’assuré social peut se voir également infligé des pénalités financières si l’arrêt d’activité n’était pas médicalement justifié.
Arrêts de travail et médecine du travail
Le médecin traitant prescrit un arrêt de travail en fonction de la capacité du patient à effectuer un travail en raison de son état de santé alors que le médecin du travail étudie plus précisément l’aptitude d’un individu à occuper un poste précis dans un environnement donné. Dès lors les notions d’arrêt de travail et d’inaptitude au poste ne sont pas nécessairement superposables.
Pour autant des liens existent. C’est ainsi qu’en dehors même du cas des accidents du travail l’employeur doit prendre l’initiative d’une visite de reprise par le médecin du travail après un arrêt supérieur à 21 jours.
Par ailleurs, le code du travail (article R 241-51) permet au médecin traitant de solliciter préalablement à une reprise du travail une visite auprès du médecin du travail lorsqu’une modification de l’aptitude du travail est prévisible.
Sur ce système déjà ancien de la visite de pré-reprise, la loi d’assurance maladie précitée du 13 août 2004 a superposé une nouvelle démarche.
En effet, l’article L 324-4-1du code de la sécurité sociale issu de la réforme de l’assurance maladie prévoit qu’au cours de toute interruption de travail dépassant trois mois, le médecin conseil en liaison avec le médecin traitant peut solliciter le médecin du travail dans des conditions définies par décret pour préparer et étudier, le cas échéant, les conditions et des modalités de la reprise du travail ou envisager les démarches de formation.
L’assuré est assisté durant cette période par une personne de son choix.
Le décret d’application de ce texte pris le 23 décembre 2004 (décret 2004-1456), est désormais codifié sous l’article D.323-3 du code de la sécurité sociale. Il en ressort que l’assuré social doit être informé de la démarche entreprise par le médecin conseil et que le médecin du travail doit communiquer au médecin conseil les éléments pertinents à prendre en compte afin de préparer un éventuel retour à l’emploi.
Des difficultés sont apparues pour mettre en œuvre cette réglementation qui tiennent en particulier aux informations que le médecin conseil pourrait communiquer au médecin du travail, au respect du secret médical et à la notion d’éléments « pertinents ».
Face à ces difficultés le Conseil national de l'Ordre des médecins a pris l’initiative d’une réflexion conjointe avec le Ministère du travail (direction du service des relations de travail), le Ministère de la santé (direction de la sécurité sociale) et la CNAMTS (direction du service médical) dont les travaux sont en voix de finalisation.